Texte de présentation pour l'exposition Silence Galerie Michèle Chomette, juin 2016

La sculpture et la photographie entretiennent de silencieuses complicités. Donner une forme à l'indéterminé, retrouver l'origine du geste, d'une matière incarnée, d'une forme sans cesse en devenir qui surgit, se plisse et se déploie.
Tel est le propos de ces photographies qui agissent en « pièces sculpturales » dans l'espace d'exposition. Telle est aussi la volonté de ces corps absorbés, pris entre concentration et abandon, qui occupent l'espace de l'image à la manière dont ils habitent leur espace intérieur : dealant avec le vide, le poids et l'équilibre.
S'agit-il de formes en crise, ou qui mettent en crise leur propre mise en forme ? Que ce soit les corps des patients internés en psychiatrie ou celui des paysages sculptés de l'Islande, tous s'animent d'un même élan, d'une force qui les forge, ou les re-forge suite à des érosions à répétition.
Ces pièces taillées rappellent une matière originelle, incertaine et complexe. Ce n'est pas la ligne ni le contour qui font sens ici, mais le rapport d'une masse à sa découpe. Le surgissement d'une forme que la photographie érige ; un avènement.
Qu'est-ce que surgir ? C'est se former dans les profondeurs et entrer brusquement dans le champ visuel. C'est l'expulsion, la chute, la naissance, un volume qui se dresse et s’étend dans l'espace
Comme des monuments qui rendraient éternelle leur présence sur terre, les photographies rassemblées ici affichent un feuilletage du temps fait de fantômes où survivent des gestes d'une autre époque, archaïques.
Elles convoquent des présences souterraines qui remontent lentement à la surface. L’inertie sourde d’une sculpture figée dans ses plis, la performance d'un corps mis en mouvement par sa propre matière.
Une ambiguïté qui se lit dans la volonté de transmettre à l'image le poids du silence, de la violence sociale qui s'exerce sur les corps et du mutisme subit, en même temps que le calme et la sérénité d'une force tranquille orchestrée par le silence minéral.